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2 décembre 2009 3 02 /12 /décembre /2009 19:23

Quant on y réfléchit 3 secondes, n’est-elle pas étrange cette histoire de carte de nationalité ? Une carte pour vous dire : vous êtes français…

Carte de « Nationalité française », il faudrait me dire s’il s’agit d’un club dont on fait partie, une carte privilège qui me donne droit à des points cadeaux ou encore une carte VIP me permettant d’aller dans les loges pour regarder crever ceux qui font tout pour l’obtenir.

Personnellement, étant aussi peu globe-trotter qu’un vieux chêne dans son champ, cette histoire de carte m’apparaît bien absurde. Elle est un peu comme le jouet que vous délaissez et dont vous prenez conscience quand un autre enfant s'amuse avec…

Cette carte apparaît plus comme enfanté par un système protectionniste que par un système de valeurs humaines. Cela peut paraître comme un constat évident, mais quand on en fait l’analyse, on peut trouver cela bien étrange. Elle représente seulement ce pour quoi elle est faite. Or, on ne vous demande jamais votre carte d’identité pour savoir si vous incarnez bien la fraternité, l’égalité ou la liberté mais bien suite à une infraction quelconque ou la frontière passée… Le problème est donc bien économico juridique et non moral ou philanthropique. C’est important de bien s’entendre sur ce que cela signifie… Si nous refusons des personnes en France, ce n’est pas pour des valeurs morales mauvaises ou pour des défauts d’humanités mais bien pour, dit-on, protéger la nation et notre économie. Ces personnes sont des « dangers » car elles n’ont pas la carte pour entrer dans une zone géographique opulente. Elles ne sont pas les bienvenues et considérées par défaut comme des hors-la-loi. La France est une propriété privée tans pis pour ceux qui n’ont pas vu le panneau, « attention ! chiens méchants ».

Imaginez un monde qui prônerait l’humanisme et la tolérance, c’est-à-dire qui souhaiterait une vraie paix, pensez-vous que ce monde serait sectionné, tronçonné pour que des bouts d’humanité ne puisse aller là où elle veut, si elle n’a pas la carte adéquate ? Serait-ce un monde où l’on accumulerait des richesses dans un coin, en profitant de zones moins favorisées pour en extraire encore plus de richesses tout en contrôlant la circulation humaine grâce à des prétextes nationalistes ? Un monde avec des réflexions tel que « ce bout de terre est à nous ! Et les nuages qui vont avec, l’eau, l’herbe et ces putains de moustiques qui nous emmerdent l’été… » Un monde ou tout serait estampillé par un pays. Nous sommes d’accord, ce monde serait un paradoxe…

Et pourtant… Nous sommes bien dans un monde qui parle d’humanisme, qui parle de droits de l’homme dont la France serait le berceau, qui expose des valeurs humaines en vitrine mais qui, dans les faits, met en vente et stock tout son contraire. Nous sommes, et ce n’est pas un scoop, loin d’un idéal humaniste et tolérant. Vous me direz qu’un idéal est par définition une idée de la perfection qui reste inaccessible. Pourtant, vivre et aller où bon nous semble serait le signe d’un monde sain et d’une humanité rassurante. Un partage équilibré des richesse nous laisserai à chacun de quoi vivre et si cela se trouve, chacun serait bien là où il est. Nous pourrions alors régler les autres problèmes : dérèglement climatique, maladies…

Hélas, le constat est que, non seulement nous sommes loin d’un idéal mais surtout, nous sommes loin de tendre vers cet idéal de libre circulation, les volontés ne pousse en rien dans ce sens. Nous édifions plutôt des murs bien plus épais que celui de Berlin dont bien gentiment nous avons fêté la chute.

Nous vivons dans la peur qui engendre la protection qui engendre le rejet qui engendre l’incompréhension qui engendre la peur… Une part de moi comprend ce regard craintif qui applaudit quand on se barricade, quand on ouvre les parapluies et quand on ferme la porte au type bizarre… Mais cette face-là n’est pas la meilleure et sûrement pas celle que je souhaite écouter. Ceux qui renforcent les frontières sont souvent ceux qui vantent les vertus du libéralisme. Hélas, ils ne libèrent que les capitaux et encore, quand ils vont dans leurs poches ! S’ils allaient au bout de leurs idées, si ce libéralisme était une valeur humaine, une foi et non un moyen, il leur faudrait alors libérer les hommes et abolir des frontières qui marquent simplement les limites trop étroites de notre imagination et de notre intelligence.

Vous ne vous en souvenez pas, vous étiez trop jeune, mais quand nous étions encore des nomades, avant « veaux, vaches et cochons », nous nous déplacions uniquement pour aller là où nous pouvions vivre. Ce n’était pas une liberté mais un simple instinct de survit. Aujourd’hui, non seulement nous avons tué le nomadisme, mais surtout détruit l’un des premiers droits de l’homme, un droit qui existait avant même qu’il ne soit inscrit sur une tablette, celui de survivre. Aujourd’hui, les « nomades malgré eux » n’ont plus que le droit de regarder des richesses s’accumuler loin d’eux et d’accepter cela sans agir, avec le sourire si possible. Les politiciens trouvent les meilleures excuses pour justifier le renvoi de ces troubles fêtes, juste avant d’aller se goinfrer de petits-fours à l’Elysée pendant l’une des somptueuses réceptions.

« Nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde », alors nous regardons, par écran interposé, ceux qui se débattent dans cette misère. Et puis, pour les finitions, nous poussons gentiment ceux qui, par excès de volonté et de détresse, seraient arrivés jusqu'à nous. Rien de plus naturelle en somme, une réaction de survit aussi, mais de ceux qui vivent dans l’abondance : sauver son canapé, ses congés payés, sa sécurité sociale et sa bonne conscience.

Cette fameuse carte de nationalité porte en elle un non-droit et non, des droits. Elle n’a de sens que dans la négation de l’autre. Elle aurait pu être une carte honorifique marquant un attachement à des valeurs, à une histoire ou encore à des projets communs mais rien de tout cela, en fait, elle n’est qu’un outil forgé par une administration et un système judiciaire servant à justifier le rejet. Il est normal et logique de rejeter quelqu’un qui n’a pas ce bout de papier tamponné par un service administratif. Comment cela, le monde est absurde ? Mais non, le monde est en fait bien ordonné. Nous sommes étiquetés, rangés dans des classeurs, des fichiers informatiques. Le monde est un grand meuble où chacun doit trouver sa place, son petit coin entre deux autres fiches. Tans pis pour ceux qui seraient rangés dans un fond de tiroir ou sous l’armoire, oubliés avec les moutons de poussière. L’important est le classement, l’ordre et le respect de cette organisation. Mais pour sauver quoi, et qui ?

« Nationalité Française » n’a donc que l’écho d’une mécanique administrative et politique. Un système organisé et aveugle protégeant une entité abstraite qu’elle-même n’arrive pas à définir. Pensez-vous qu’elle défendrait une culture, une éventuelle émotion humaine et bien non, plutôt nos gros sous et notre confort. Aujourd’hui il semblerait qu’on ne sache même plus ce qu’est être français, heureusement, il y a une carte d’identité qui vous rassure et vous rappelle que vous êtes bien français ! merci à ce pense-bête… En même temps, elle ne suffit pas toujours, à priori, il faut avoir un profil type, une perversion au sein même d’une autre perversion. Dire que je n’ai même pas de carte d’identité humaine, un coup à ce faire traiter comme un chien !

Je finirai sur ce politicien, traitant des réfugiés de lâches parce qu’ils avaient quitté leur pays en guerre, parce qu’ils avaient fait un voyage que ce même politicien n’aurait pas supporté une seule journée, parce qu’ils avaient laissé un pays où ils ne voyaient plus d’avenir, parce qu’ils ne voulaient pas prendre un fusil et être un bon soldat, parce qu’ils osaient avoir l’espoir de trouver mieux ailleurs qu’un pays en guerre depuis des années… Cet homme, ce politicien, confortablement posté dans ses mocassins, s’apprêtant peut-être à boire sa tisane après son discours ou une coupe de champagne, dont le plus gros risque dans sa journée était de se brûler en avalant sa soupe, se met à traiter ces gens de lâches. Il est soutenu par toute une armée de bien-pensants qui nous gouverne. Alors, je ne sais pas où se trouve la lâcheté, je vous laisse juge, par contre je n’ai aucune difficulté pour situer la vulgarité et toute une pléiade de qualificatifs qui, j’en suis désolé pour ce pauvre politicien, l’exclus de toute obtention de la carte, si peu convoité, de nationalité humaine… Pour autant, il ne cherche semble-t-il pas à entrer dans la zone délimité par cette carte, il n’a donc pas de risque d’expulsion, qu’il se rassure.

(Pour info, exposition « Boat Peaple, bateau en exil » aux Champs Libres, à Rennes, jusqu’au 2 mai)

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