Avant tout, pour une raison que vous comprendrez (peut-être) en fin de lecture, je vous propose un reflets de ce que je suis : quarantenaire ayant eu « sa » famille « idéale », « sa » maison « idéale », « ses » chats « idéaux », « son » travail «idéal », (etc.), et qui aujourd’hui entame « une nouvelle vie » plongé dans des conditions différentes et qui aspire à un « nouvel idéal » ! Maintenant, je vous laisse découvrir les réflexions qui ne sont ne sont rien de plus que la libre expression de ce quarantenaire sur le thème de « l’image de soi ».
Il arrive que je me regarde avec sévérité, ou du moins, que je regarde certains de mes comportements avec une certaine amertume. C’est une chose que de donner à voir, à paraître, mais c’en est une toute autre que de connaître l’être que l’on est vraiment. Une situation, une personne, une action interagissent avec nos comportements, avec nos émotions et avec ce que nous ressentons de nous-mêmes. De là, peut naitre une « image* », un regard que nous portons sur ce que nous croyons être et sur ce que nous croyons projeter vers autrui.
Quelle est donc cette « image mentale », cet autoportrait spontané que j’observe, qui fait de moi mon propre juge ? Un jugement construit devant un idéal, une image parfaite qui sous-tend nombre de mes choix et de mes actions. Mais cette image parfaite nous montre-t-elle vraiment le chemin à suivre, celui qui nous correspond ? A-t-elle un sens, une utilité quelconque ou est-elle simplement le fruit d’un égo narcissique et aliénant ?
De fait, nous pouvons être juge de ce que nous ressentons de nous-mêmes, un reflet qui nous montre sous un jour flatteur parfois, décevant d’autres fois. Nous recevons l’image positive d’un être qui maîtrise la situation, image sereine et forte d’un individu équilibré, ou l’image trouble d’un individu peu ou trop sûr de lui, trop ceci, pas assez cela… Ce ne sont que des ressentis, une perception que nous avons de nous-mêmes, un « spectre mental » qui nait d’un « réflexe psychique ». Que cette image soit juste ou non n’a aucune importance. Pour nous, elle existe et elle influe sur notre humeur et sur notre énergie. Elle peut nous pousser à des actions bouleversantes allant de l’acte « héroïque » ou « humoristique » en passant par des actes « humiliants » et parfois, pour aller jusqu’à celui irréversible du suicide… Les effets sont donc bien réels. Nous pouvons être littéralement hantés par cette image. Une image devenant le « démon » incarnant notre possession !
Angélique ou démoniaque, cette image peut nous être utile. Certes, elle semble parfois peser et nous accompagner comme un parfum plus ou moins puissant et entêtant avant de disparaître comme elle était venue. Mais elle laisse une emprunte qui révèle ce qui nous compose de l’intérieur. Elle se crée en réponse à des sentiments, des tempéraments. Toute fragrance a son origine ! Nos composants psychiques réagissent à ce qui se propose dans l’instant. Par exemple, si une timidité vous habite, il est fréquent que certaines situations provoquent chez vous un état de malaise. Vous ne maîtrisez plus tout à fait vos dires et vos gestes. Vous êtes « à côté de vos pompes » ! La timidité agit sur votre expression et sur les réponses exprimées par le corps et l’esprit. L’image que vous aurez alors de vous même sera fatalement peu positive et vous vous verrez comme maladroit, ou parfois arrogant, voir agressif (car les réactions d’un timide ne sont pas systématiquement dans la réserve assez paradoxalement). Dans tous les cas, cette image ne sera pas celle que vous voudriez percevoir et transmettre. Vous êtes au final en colère contre vous-même ou simplement déçu. Vous vous sentez dépossédé d’une part de vous-même !
Cette image qui se révèle se prête donc au jugement. Nous voudrions tous ressembler à l’image idéale de l’être « accompli » qui nous hante. Nous vivons tous avec un schéma plus ou moins précis qui dessine celui que nous voudrions incarner. Celui que nous ne serons jamais… Et c’est tant mieux ! Cet idéal est dicté par une éducation, une enfance, une culture, des rejets, des envies, (etc.) et même s’il diffère chez chacun, il peut y avoir de fortes similitudes entre nos idéaux. D’où la construction par exemple de « clans », de « modes », de « guildes », ou tout ce qui me renvoie à une image qui me lie à un groupe dans lequel je veux me reconnaître (consciemment ou non). Une image qui oriente une partie de notre morale, de nos valeurs et de nos choix de vie. Un image à notre mesure qui devient « notre vérité ». Une image «partagée » et rassurante. Tellement rassurante, qu’elle sert parfois nos peurs en stigmatisant ceux qui n’entrent pas dans le cadre de cette « image idéale ». Elle peut pousser à des réactions extrêmes et terribles dont certaines ont marqué l’Histoire des périodes les plus noirs. Ne sommes-nous pas d’ailleurs sur le fil d’une telle période ?…
Cette image idéale, celle qui me sert « d’étalon », n’est pas « moi » par définition ! Et vouloir l’atteindre est tout simplement prendre une direction programmée, rouler en automatique avec GPS intégré... Par contre, nous sommes cet être timide ou colérique ou gentil ou nerveux ou jaloux ou de tout autre tempérament. Plus exactement, ce tempérament appartient à ce que nous sommes, à notre « psycho-histoire » - un timide pourra d’ailleurs être apprécié aussi pour sa timidité - mais ce tempérament n’est pas, et heureusement, TOUT ce que nous sommes et encore moins « le fond » de ce que nous sommes. Il est lui-même le résultat d’un conditionnement psychique logé dans une strate plus profonde.
Cette image idéale anime ceux qui courent après la célébrité, la richesse, le pouvoir ou simplement une vie de famille dite « équilibrée ». Atteindre cette image idéalisée apparaît comme une promesse de bonheur. Elle se nourrit de l’importance que nous lui donnons et nous éloigne d’autant plus de ce que nous sommes « en profondeur ». De ce fait, plus nous courrons vers cette image, plus elle se renforce. Plus elle se renforce et moins nous pouvons trouver qui nous sommes vraiment, quel homme libre nous serions sans elle. Inversement, plus nous sommes proches de notre chemin, de notre « être libre », moins cette image est présente. Elle peut être potentiellement maitrisée, utilisée, voire même absente pour ceux qui se seraient libérés de tout conditionnement. Je pense que ces derniers sont rares, très rares, si jamais ils existent... En quelque sorte, cette image idéale est ce qui forme notre « petit égo » (enveloppe, vagues de surface), le grand Ego serait notre être au delà de tout conditionnement (une forme de « Vide Essentiel » qui nous connecte à un infini contenu dans le fini !).
Néanmoins, et j’y reviens, l’image que nous avons de nous même est un outil formidable pour comprendre ce qui nous anime. Nos « composants psychiques », même s’ils peuvent être très ancrés, ne sont pas insurmontables. Un timide peut dépasser sa timidité et l’image de lui-même qui en découle se modifiera progressivement jusqu'à disparaître dans le meilleur des cas. Il aura alors dépassé sa timidité et son conditionnement. Ou encore, une personne colérique peut s’en vouloir de s’être emporté pour une broutille, mais s’il observe cette image de lui et sa colère, il pourra la dépasser et en chercher l’origine. L’objet qui l’a déclenché, n’est qu’un détonateur et non la raison profonde de la colère exprimée. Outre la relativité qu’elle permet de donner à une dispute, cette observation nous permet de reconnaître nos conditionnements et nos réactions. Nous pouvons alors désamorcer le processus. Mais pour dépasser une colère par exemple, il ne suffit pas de le vouloir, il faut trouver les outils qui nous aident dans cette démarche.
Pour ma part, je pense que la méditation, différents arts martiaux ou énergétiques mais aussi la pratique artistique sont des disciplines merveilleuses pour nous y aider. En déverrouillant les conditionnements physiques grâce à certaines techniques, on aide le psychisme à retrouver le contrôle du « véhicule »… Si la méditation a cette faculté de nous aider à prendre le recul indispensable à l’observation, la pratique artistique à cette particularité d’exprimer des changements qui n’ont pas encore d’existence pour le conscient et qui dépasse notre compréhension « logique » et « limitée » (par cette logique même). L’art a l’autre avantage de « dissoudre » les « images programmées » que nous partageons au sein d’une culture. C’est pour ces raisons que la poésie, le roman ou la peinture seront toujours plus pertinents que tous les essais, ou même que les textes scientifiques les plus précis qui soient. La vrai « créativité » est l’expression directe d’une ouverture sur l’infini contenu dans le présent (« l’instant est atome de l’éternité » Kierkegaard) et à ce qui vient de loin, loin de tout « formatage » ! D’ailleurs, dans la Mythologie grecque les poètes étaient plus proches des dieux que les prêtres eux-mêmes…
Ce regard sur nous-mêmes - probablement propre à l’homme - peut donc être pris pour un « outil » de diagnostique tout à fait unique ! Mais avant tout, et point important, il nous faut comprendre que la démarche d’observation en elle-même est essentielle. Soit nous courrons vers l’image idéale évoquée plus haut et nous sommes soumis à un comportement qui ne nous appartient pas, soit nous observons et acceptons ce qui nous compose et nous marchons chaque instant avec notre liberté. Cette marche « consciente » est notre liberté ! « (…) avancer contre le vent, par la force même du vent. » (Alain). Agir pour sa liberté, affronter ses craintes et ses doutes, est la liberté, il n’y en a pas d’autre ! C’est dans ce même esprit par exemple que certains maîtres zen (Dogen entre autres) n’avaient de cesse de dire que « zazen » (la position assise de méditation) est en soi « satori » (éveil). Votre liberté est « ici et maintenant », et elle est étrangement dans la conscience que vous avez de votre conditionnement. C’est-à-dire, ne pas tomber dans la négation des « difficultés » et des « soumissions » qui nous plombent, mais simplement de les « re-connaître ». Ensuite vient le travail de l’alchimiste celui de les transformer en « or » !
Pour cette raison même, il ne faut pas croire qu’être nerveux, timide, colérique ou triste serait la preuve que vous êtes loin de vous-même, loin de votre chemin. Au contraire, ces tempéraments peuvent devenir des supports indispensables à la liberté. L’action même de s’en libérer est la liberté. Sans chaîne, pas de liberté à conquérir, sans liberté à conquérir pas de « combat » à mener, sans « combat » pas de liberté ! La liberté est acte, un acte de présence absolue, et non une idée abstraite.
Imaginez un individu qui n’aurait aucun « défaut » et dont le comportement ne serait induit par aucun conditionnement. De fait, il n’aurait rien à libérer. Ne serait-il pas prisonnier de son état, celui d’être parfait ?! Sans travail sur soi, sans regard sur soi, la notion de liberté n’a aucun sens puisqu’il n’a rien à libérer ! Une notion n’existe que par son « contraire », c’est le fondement même de la philosophie chinoise du yin et du yang. Une phrase m’était venue, il y a bien longtemps quand j’étais étudiant, bercé par un train (j’ai encore « l’image » et le lieu précis de ce moment, étonnant !). Une phrase que j’ai déjà mentionnée à quelques reprises mais qui a du sens ici : « si tout l’univers (le monde) était vert, le vert n’existerait pas ». Il nous est donc nécessaire d’avoir des « chaînes », des conditionnements pour que la notion même de liberté puisse exister ! D’ailleurs, il est dit, toujours par des maitres Zen, que plus grande est l’illusion d’un individu, plus grand peut être son éveil…
Par conséquent, sachons nous détacher de l’image que nous avons de nous-mêmes, qu’elle soit pesante ou enivrante. Acceptons la comme un repère, une information. Elle marque une faculté que nous avons, être notre propre observateur. Le narcissisme positivé et conscient de se voir ! Cette faculté est unique dans la nature. Se regarder soi-même ! N’est-elle pas le fondement même de la conscience humaine ? Ne dit-on pas « l’homme fait à l’IMAGE de dieu » ce qui nous place comme un reflet, une image pouvant aider dieu lui-même à se « connaître » ! Cette expression seule, symboliquement, donne l’importance cruciale de l’image idéale dont nous parlons, une image à l’origine de l’humanité, rien que ça ! Se dessine alors une vertigineuse mise en abîme de cette image que nous observons en écho à l’Image « originelle » ou « universelle »… (Un concept qui n’est pas sans rappeler le « monde des idées » de Platon).
Une image qui peut aussi bien être un maître impitoyable en nous privant de liberté comme elle peut être la source même de notre libération. Un jour nous nous sentirons manipulés et un autre cette image sera révélatrice. Mais sentir cette manipulation est déjà une expression vivante de notre liberté. Sentir ses chaînes pour s’en libérer. « Le tout premier et le plus important pas pour se libérer de la réactivité au stress de toute une vie, est d’être conscient de ce qui se passe dans la réalité au moment où cela se passe. » Dr Jon Kabat-Zinn extrait de « Au cœur de la tourmente, la pleine conscience ». Nous devons commencer par nous accepter tels que nous sommes – sens du fameux lâcher prise - apprécier, « aimer » ce que nous sommes et ce que nous considérons pour des défauts. En les acceptant, nous évitons de les nourrir, de les engraisser. Nous gagnons en « espace vital ». Nous pouvons alors être entier, au delà des peurs et des préconçus. Ce recul et cette vision de soi peuvent être utilisés, et de « manipulé », on peut devenir « manipulateur » de cette image. L’image de soi peut être source d’énergie si elle est positive et forte. Il faut juste ne pas se laisser abuser et la prendre pour ce qu’elle est, une illusion !
Une précision sur l’observateur que nous devenons devant notre image. L’instant est un lieu d’accueil et il nous prend tel que nous sommes (MacDo aussi me direz vous !). Mais en retour, cet instant n’existe vraiment que si nous l’habitons, c’est-à-dire si nous ne sommes pas soumis par une image idéale qui génère des réponses conditionnées, automatisées. Comme je l’ai exprimé plus avant, sans le recul de l’observateur, pas de liberté possible. Mais attention, il ne faudrait pas croire que l’observateur serait en décalage avec l’instant et du coup passerait à côté de lui-même. Un peu comme le photographe peut passer à côté d’un instant de vie en l’immortalisant. S’observer n’est pas s’extraire de soi, bien au contraire. Observer c’est voir, et voir c’est être pleinement. On peut regarder une pomme sans la voir vraiment ; pour la voir, il nous faut être présent ! Ce ne sont ni Cézanne, ni Van Gogh qui me contrediraient (ils ne le peuvent plus !). Il faut donc s’observer avec « l’attention » d’un peintre pour son sujet et avec « l’objectivité » du scientifique pour son expérience.
Enfin, je n’ai parlé que de l’image que nous avons de nous-mêmes mais l’image que nous avons des autres peut être toute aussi aliénante et peut nous priver de la même façon de notre liberté. Le reflexe habituel est d’exclure de notre « sphère » ce qui nous dérange chez les autres et d’y inclure ce qui nous plait. Réflexe qui nous autorise le jugement et le positionnement face à l’autre. N’est-ce pas là, la vraie source du narcissisme que de ne pas voir dans l’image de l’autre son propre reflet ? Il est bon dans ce cas de connaître le phénomène d’un « monde miroir » et d’envisager que tout ce qui nous agace chez l’autre n’est autre que le reflet de nos défauts exprimés ou latents. Même si vous avez à faire à un être ignoble méfiez-vous du jugement que vous lui porterez… Et oui, les pires sentiments comme les meilleurs peuvent être en nous ! Un acteur, pour jouer un sentiment, même terrible, va le chercher en lui. S’il ne le trouve pas, il ne peut le jouer. La valeur de nos jugements devient alors tout autre. Dans ce sens, rejeter l’autre c’est rejeter une part de soi.
Par exemple, il y a peu de temps, j’ai rencontré une personne qui me parlait avec une certaine « condescendance », gentiment par ailleurs, et même avec une sorte de bienveillance, mais avec cette attitude qui le placerait dans un savoir (ou un « avoir ») que je n’ai pas (une attitude issue de préjugés fondés sur ses propres critères d’idéal). Si après coup, l’image de moi-même m’a déplu (sujet de cette réflexion) et m’a renvoyé en pleine face un manque d’assurance dont je peux faire preuve, cette même image qui renvoie à des « complexes » développés pendant l’enfance, cela m’a aussi renvoyé à une attitude que je pouvais adopter, celle de la condescendance ! Et ce bien malgré moi. On devient de la sorte plus indulgent avec l’autre mais aussi avec soi. Il convient, fort de cette compréhension, de se connaître grâce à l’image qu’on se fait de l’autre ! De ce fait, prendre une posture lors d’une rencontre est forcément une imposture. Nous installons des conditions à nos rapports qui faussent ou filtrent les échanges, ou tout au moins nous fait rester dans un jeu social sans grand intérêt (sinon pour nourrir le petit égo et notre image idéale). Les phénomènes actuels de lynchages médiatiques sont une expression poussée des postures de « bien-pensant » mariées à une « image idéale commune ». Hélas, la plupart du temps, c’est souvent une excuse pour décharger une forme de haine (même pour de « bonnes » causes) et un flot de sentiments qui nous submerge… La foule permet de justifier « les pierres » que l’on jette sur l’individu mis en pâture.
Pour conclure sur l’image de soi et des autres, je bouclerai la boucle en mettant en abîme le fait même d’écrire ce texte. Ecrire et partager ses réflexions peut supposer une forme d’arrogance, la posture de celui qui aurait compris quelque chose à quelque chose... Pour moi, il s’agit d’un besoin simple, celui de mettre des pensées au clair tout en prenant plaisir dans cette tentative. Si l’espoir de reconnaissance a pu être une part des motivations à une époque, elle ne l’est réellement plus car fondamentalement, comme l’a dit Platon, « je ne sais qu’une chose, c’est que je ne sais rien ». Je me sers de l’écrit comme d’un miroir ou plus exactement, je projette mes pensées sur un écran blanc ! Je peux ainsi les observer, les approfondir même s’il y a toujours la frustration de les voir limitées par mes capacités à les exprimer. Et oui, la qualité du vidéoprojecteur a son importance ! Je conçois, voire même je perçois, qu’on peut n’y voir que maladresses, approximations, voir contradictions. D’où la question, pourquoi les diffuser plus largement. Cela fait partie de « l’engagement » de celui qui crée, qui extériorise. On écrit pour partager, d’abord avec soi, puis au-delà de soi... Cela permet d’aller au bout de l’expérience et d’une certaine façon, cette « mise en danger » est aussi une façon d’exprimer sa liberté. La liberté s’exprime au risque de se créer de nouveaux barreaux. Existe-t-il des murs de prisons sans inscriptions ?
Cette démarche m’interroge aussi sur « Votre » propre liberté, celle du lecteur. Nos images mentales influent sur notre réception. Si vous avez parcouru ce texte, vous l’aurez lu avec ce que vous imaginiez de moi, et ce que vous imaginez de vous, avec vos humeurs et vos préconçus. Des filtres ont inévitablement interférés sur votre lecture. Partagez un même yaourt dans un pot noir et dans un pot blanc, et il y a de fortes chances pour que vous trouviez le noir moins bon. Nous sommes conditionnés qu’on le veuille ou non ! C’est d’ailleurs comme cela que j’entends la célèbre citation : « nul n’est prophète dans son pays ». Et « son pays » c’est aussi son for intérieur (se convaincre soi-même est une tâche qui peut s'avérer très difficile)… Voici la raison pour laquelle, pour expérimenter le jeu sur l’image, une présentation vous a été faite en introduction. Bien sûr cette présentation est orientée et très succincte. Elle aurait pu chercher à me « valoriser » pour offrir à ce texte une « Aura » plus crédible. Mais j’ai choisi le « pot noir », je trouvais plus intéressant de me présenter en évoquant ce qui est médiatiquement pris pour un état de faiblesse (famille monoparentale, peu de revenu, pas de propriété, pas de chien ! etc.) car pour moi, il s’agit aussi de la situation qui me permet d’être ce que je suis…
Ces « faiblesses » sont les supports mêmes de ma liberté ! Je ne dis pas que cette situation est simple et mérite d’être reproduite, à chacun sa route, mais elle est le résultat d’un processus de prise de consciences… Et sortir du schéma idéalisé qu’on nous vend dans les médias m’était nécessaire. C’est mon chemin. Ayant eu ce « bonheur » de vivre avec femme, enfants, maison et travail épanouissant (et il y eu effectivement de vrais moments de joie), j’ai la chance de pouvoir découvrir aujourd'hui une « autre vie » ! Je ne me plains pas de ne plus « avoir » car nous n’avons jamais vraiment ; je me réjouis juste « d’être » car nous sommes trop souvent « absent ». Comment cultiver une bonne image de soi si c’est la peur de perdre ou le besoin de combler des vides qui guident nos choix ? Il n’y a pas, de fait, de « bonnes » ou de « mauvaises » vies, ces notions qualificatives et « qualitatives » n’étant que l’écho d’une image idéale arbitraire et subjective. N’oublions pas que notre liberté se construit sur le dos de nos difficultés !
PS : Je viens d’écouter une émission dont le sujet était la e.réputation, la réputation diffusée sur le web. Encore une variante sur le thème de l’image de soi et des autres qui alimente mes réflexions… Une fabrique à stars aussi bien qu’à souffre douleur et ce, uniquement fondée sur une image « virtuelle ». « Virtuelle » n’étant pas le contraire de « réelle » mais plutôt de « matériel » car les effets sont tout à fait « concrets ».
De façon générale, écoutez bien l’ensemble des flux médiatiques et vous constaterez que la référence à « l’Image idéale » est omniprésente, c’est assez troublant !
*Image - le terme « d’image » est une « image » ! Mettre à plat ses réflexions, c’est faire des choix, le vocabulaire en est un. Ne prenez pas au pied de la lettre ce terme. L’image est moins un visuel qu’une représentation de notions plus abstraites comme les traits de caractère évoqués dans le texte. L’image inclut un flot de pensées et de sentiments. De plus, l’image n’existe qu’une fois le recul pris et dans la mesure où il y a un « observateur ». L’intérêt est que ce regard sur soi, ce recul, est spontané (« reflexe psychique ») et permet l’amorce d’un vrai regard sur soi. Il faut alors prendre du recul sur ce 1er recul !